Rejoindre la mèche
L’engagement est au coeur de leur activité. Ces femmes et ces hommes s’inspirent du monde pour agir autrement et durablement, et faire de leur environnement une voie d’expression, de créativité, d’innovation ou encore de solidarité. Finance, culture, artisanat, industrie ou médias sont autant de domaines incarnés par ces personnalités, qui ont accepté d’être de mèche avec nous le temps d’une rencontre pour partager leur univers.

Michael est PDG de farmer connect® depuis juin 2020 et défend avec passion sa mission d’humaniser la consommation par la technologie. Les années passées au sein de géants de l’agroalimentaire tels que Nestlé et Mondelēz lui ont permis d’acquérir une profonde compréhension des défis auxquels doivent faire face les industries du café et du chocolat.
Basé à Genève, farmer connect® propose une plateforme blockchain qui permet aux agriculteurs, consommateurs et intermédiaires de se connecter numériquement aux chaînes d’approvisionnement agricoles, promettant d’assurer traçabilité et validation des données par toutes les parties.
Michael est fasciné par la technologie, la grande cuisine et la façon dont elles peuvent être réunies.
Il aime son café du matin noir, fruité et léger mais par dessus tout équitable pour les gens et la planète.  

Bonjour Michael, vous avez rejoint farmer connect® il y a un an et demi. Qu’est-ce qui vous a amené dans cet univers des entreprises qui s’emploient à générer le changement vers une plus grande durabilité? 
C’est une vraie construction. J’ai une passion pour tous les aspects technologies. J’ai eu mon premier ordinateur à 6 ans, je suis un vrai geek, et puis en même temps je suis passionné par l’agroalimentaire. J’aime beaucoup cette industrie parce qu’elle est proche des gens et des comportements, elle est très ancrée dans le concret. Lorsque cette opportunité est arrivée de travailler avec farmer connect®, de prendre la société là où elle était et de l’emmener vers la croissance, il y a eu comme une logique entre la technologie d’un côté et l’agroalimentaire de l’autre. Et puis à mon âge avancé maintenant (rire), d’essayer de faire une différence. Cette différence nous voulons la faire notamment à l’origine des produits fabriqués par les industries avec lesquelles nous travaillons, pour essayer de créer plus de valeur et de rétribution à l’origine des produits et de valeur partagée en emmenant tout le monde. Ce n’est pas uniquement l’idée d’être activistes du changement mais c’est d’être aussi fédérateurs, de créer un écosystème et de faire en sorte que les gens comprennent que si l’on ne travaille pas tous ensemble depuis le début de la chaîne – des fermiers producteurs – jusqu’aux consommateurs, finalement on ne fait pas une différence à grande échelle. Donc c’est ça qui m’a vraiment motivé dans cette aventure farmer connect®. 
C’était comme un alignement des planètes qui a fait que vous avez trouvé votre place?
Oui tout à fait, c’est une sorte de mariage au paradis. C’est à la fois quelque chose qui me passionne à titre personnel, l’aspect technique, mais qui est aussi fonctionnel parce que c’est mon métier, mon expertise et donc je sais ce qu’il faut faire. J’ai trouvé une véritable mission. 
Pouvez-vous nous expliquer ce que propose farmer connect®, quelle est votre vision et qu’est-ce que vous faites concrètement pour participer à cette transition vers la durabilité?
La vision de farmer connect® est d’humaniser la consommation grâce à la technologie, c’est vraiment notre mission. Et comment est-ce qu’on le fait, en fournissant des produits qui contribuent à la traçabilité des produits, à la transparence derrière ces produits et favorisent une agriculture et une chaîne de valeur plus durables. Nous y parvenons à l’aide de trois outils.
Le premier traite de l’origine des produits: à l’heure actuelle il y a vraiment un gros problème au niveau du premier kilomètre, c’est vraiment une zone trouble, une boîte noire. On ne sait pas vraiment ce qu’il se passe, c’est difficile d’aller dans le détail jusqu’au niveau de l’agriculteur. Nous avons un produit qui est une sorte de portefeuille électronique: on achète un portefeuille, il est vide et puis après on va y mettre des billets, des pièces, la liste des courses, nos cartes de fidélité, nos cartes de crédits, la photo de nos enfants… Il va commencer à nous ressembler. Nous faisons pareil avec les fermiers et nous leur proposons aussi de valider l’information qu’ils mettent dans leur portefeuille avec un tiers, qui va dire « oui j’ai acheté ou j’ai vendu tel produit, à tel volume, à tel prix, ce fermier a telles pratiques agricoles, il a tels certificats, il existe depuis tant d’années, il travaille avec tant de partenaires, il a une famille, on y trouve la taille de son champ, il n’a jamais coupé d’arbres à côté, il utilise tant d’eau, émet tant de CO2 etc. Ce système permet  d’informer et de valider l’information à l’origine des produits.
C’est important de souligner que les producteurs restent maîtres de leurs données, ils en ont la propriété et ils décident où et comment elle sont partagées. C’est très important pour nous de ne pas générer une sorte de néocolonialisme digital, sauf qu’il y a un gros risque quand même et on a vu ces dernières années que la technologie peut être utilisée à des fins vertueuses ou impérialistes.
Le second outil est une plateforme qui se situe au milieu, entre les fermiers et les consommateurs. Il s’agit d’une blockchain dans laquelle rentrent toutes les données à chacune des étapes de production du café, depuis le fermier jusqu’au broyage à sec, broyage humide, le port d’export, l’expédition, le port d’import, l’entrepôt, le détaillant et enfin la marque. A chacune des étapes la donnée rentre dans cette chaîne qui est par définition infalsifiable et immuable, comme toute les propriétés de la blockchain. 
C’est en fait la valeur ajoutée d’utiliser la blockchain, c’est vraiment de fiabiliser et de sécuriser les données?
Oui c’est une technologie qui permet à différents acteurs de contribuer sans que les acteurs ne doivent partager de manière totalement transparente et ouverte toutes les données de tout le monde, ce qui ne fonctionnerait pas dans la sociét dans laquelle nous vivons. Et surtout elle est immuable, c’est à dire qu’il y a une vraie incitation à rentrer des données vérifiées et correctes parce qu’on peut toujours y retourner, on peut toujours savoir qui, quand, quoi et où les données ont été intégrées. 
 
Et donc personne ne peut modifier ou falsifier les données existantes?
En effet c’est immuable une fois que les donnée sont entrées dans la blockchain. Ca ne veut pas dire que l’information est correcte, elle peut être fausse mais en réalité il y a très peu de motivation à rentrer de la fausse donnée parce que comme c’est immuable on peut se faire rattraper par le système, qui pousse aux bonnes pratiques en fait.
Pour continuer sur la blockchain, un sujet qui peut être difficile à appréhender, elle est au centre de votre concept, sans elle vous n’auriez pas été en mesure de créer ces solutions c’est bien ça?
Oui ça a été vraiment à l’origine du design de farmer connect®, qui est né dans une chaîne de valeur. On crée une chaîne et cette chaîne est constiutée de papiers, de reçus, de cash, d’emails, de fichiers Excel, de coups de téléphone. C’est quand même sujet a énormément d’erreurs, de problèmes, de falsifications. Si on veut créer de la confiance et de la valeur il faut que cela soit plus solide et la blockchain est un excellent moyen de l’assurer. Elle a des applications multiples mais pour la supply chain c’est vraiment une très bonne solution. C’est presque dans le nom!
Nous avons fait le choix, coûteux mais aussi bénéfique, de nous associer à l’un des plus grands acteurs de la blockchain à l’époque, qui était IBM. C’est notre partenaire stratégique depuis le début parce que ce que nous ne voulons pas uniquement faire des pilotes ou des preuves de concept ici et là, nous voulons faire une vraie différence au niveau de la chaîne de valeur. C’est pourquoi il nous fallait un partenaire de confiance pour que l’on soit en capacité de proposer de la sécurité et de la confiance, d’accélérer et de développer très vite parce que nos clients sont des grosses sociétés. Elles font peut-être un pilote avec nous mais on aura déjà discuté de l’échelonnabilité (scalability) avec eux car on parle de dizaines de milliers de tonnes de matière première qui pourraient devenir traçables, transparentes et vérifiables. Il fallait absolument que nous soyons équipés pour ça et c’est la raison pour laquelle nous avons fait ce choix dès le début de travailler avec IBM.
Enfin il y a un troisième produit: une fois qu’on a fait tous ces efforts, soit on le garde pour soi soit on en parle. Cela a quand même du sens de partager avec les consommateurs et de leur expliquer comment on fait, c’est pourquoi nous avons créé un produit qui s’appelle « Thank My Farmer » qui permet d’avoir accès à toutes les étapes de fabrication du produit grâce à un QR code. C’est une web app donc il n’y a pas besoin de s’enregistrer ou de télécharger une application, il suffit de prendre son téléphone et de flasher le QR code.
L’autre chose que permet « Thank My Farmer »  c’est de soutenir les projets de développement durable à l’origine des produits. Si je prends l’exemple du produit qui est devant moi, c’est un café 100% indonésien produit par UCC, un des plus gros torréfacteurs au monde. Ce café est un single origine 100 % indonésien et il se trouve que l’Indonésie est aussi l’environnement de vie des orangs-outans. Cette marque s’appelle Orang-Utan et soutient des projets de développement durable de la forêt indonésienne pour préserver l’environnement de ces grands singes. En tant que consommateur on peut participer et soutenir ces projets à travers notre application en donnant un like, en partageant ou en donnant de l’argent, n’importe quel montant dans toutes les monnaies. La marque contribue de son côté à l’équivalent du montant donné par le consommateur. 
Le chocolat et le café sont connus pour être assez peu écologiques et éthiques en raison notamment des émissions de gaz à effet de serre, de l’utilisation d’eau et d’énergie et de l’impact sur l’environnement liés à leur production et leur consommation. Diriez-vous que vos solutions contribuent à rendre ces filières plus propres?
Oui je pense et il y a deux aspects: il y a d’une part tout ce qui est pratique autour de l’agriculture et puis d’autre part il y a les fermiers en tant que tel. 
Lorsqu’on regarde les courbes et les taux du café sur les vingts dernières années ils sont soit stables soit en décroissance alors que la demande mondiale a explosé. Et si on regarde à horizon 2050 on a une demande qui est multipliée par trois parce que les Indiens et les Chinois se mettent à boire du café. C’est une explosion, c’est vraiment exponentielle. Si on se met dans les bottes d’un fermier au Rwanda, alors que les courbes montrent une stagnation ou une décroissance, est-ce qui ce qu’il va recommander à ses enfants de continuer à cultiver du café? A priori non donc que fait-on? On améliore leurs conditions de vie et de rétribution ou alors on ne fait rien et ils se reconvertissent. Dans l’industrie nous n’avons plus d’approvisionnement, nous ne pouvons pas répondre à la demande. Il y a un énorme problème, on peut se retrouver dans dix ou vingt ans, nous égoïstes petits occidentaux qui adorons notre petit café le matin, à ne plus en avoir. Et on rajoute à cela le réchauffement climatique et tous les problèmes qu’il y a sur certaines cultures qui sont vraiment en danger de disparition. Par exemple dans le café il n’y a que deux espèces, le robusta qui pousse en plaine et qui est assez stable, et l’arabica qui pousse à 1’000 mètres d’altitude. Dans dix ou quinze ans il faudra peut-être monter à 1’400 mètres pour pouvoir continuer à fournir de l’arabica alors que c’est le café le plus noble que l’on trouve dans toutes les marques premium. Donc il y a énormément de menaces. 
D’ailleurs on a découvert ou redécouvert une troisième espèce de café, très proche de l’arabica, pouvez-vous m’en parler?
Oui en effet ils ont trouvé une espèce de café sauvage que l’on connaissait déjà mais qui avait été abandonnée au profit du robusta, plus productif. Il y a beaucoup d’espoir derrière la stenophylla  car son croisement avec l’une ou l’autre des deux autres espèces pourrait les rendre plus résistantes au changement climatique et même améliorer leur goût, dans le cas du robusta.
 
Quels sont les grands enjeux à venir pour ces filières si on essaie de les résumer? 
Le premier et le principal enjeu c’est de faire en sorte que les agriculteurs aient toujours quelque chose à faire et notamment quelque chose à produire, pas uniquement pour l’industrie mais aussi pour eux. On n’a certainement pas envie qu’ils se tournent tous vers des cultures exotiques qui fournissent les banlieues et les rues de nos villes parce que ça pousse plus vite que le café ou le cacao. Donc l’enjeu c’est de soutenir l’agriculture locale, de soutenir et de promouvoir un salaire minimum pour tous ces gens et aussi de faire en sorte que les pratiques agricoles deviennent plus vertueuses.
Un autre enjeu est de faire en sorte d’endiguer la déforestation, d’utiliser moins d’eau, moins d’engrais, que l’on favorise la séquestration de carbone et que l’on développe l’agriculture régénérative. Tout cela devient possible parce que les agriculteurs et les producteurs ont une vision à plus long terme, ils sont plus informés, plus connectés, plus digitalisés, plus transparents et la valeur est plus partagée. Le fait de regarder unqiuement l’évolution des taux d’un mois à l’autre peut avoir des conséquences désastreuses: dans certains pays des agriculteurs arrachent toute leur récolte parce qu’on a perdu 15 points sur le taux d’une culture et ils vont passer à l’huile de palme, au soja ou au caoutchouc. C’est dramatique parce qu’on appauvrit les sols, on fait du court terme, on utilises énormément d’eau et quand le sol n’est plus assez riche on va aller couper des pans entiers de forêts pour retrouver un sol fertile.
L’impact que nous voulons avoir c’est d’aider à générer plus de valeur partagée, de transparence et de traçabilité, qui permet ensuite d’avoir un premium sur le prix parce que le consommateur est volontaire pour revoir ses comportements de consommation et consommer moins mais mieux. Ce premium doit absolument être renvoyé à l’origine des produits. Nous avons déjà des preuves que cela fonctionne.
Nous avons fait un partenariat avec Cooxupé qui est la plus grosse coopérative de café au monde et qui est située au Brésil. Il s’agit d’une seule coopérative qui représente à elle seule l’équivalent du cinquième pays producteur de café au monde, sachant que le Brésil est le premier pays producteur. Ils envoient 60 millions de sacs de 60 kg de café par an dans le monde. Grâce à nous ils commercialisent déjà du café tracé qu’ils vendent plus cher: un de leurs clients, une compagnie de négoce de café qui s’appelle Sucafina (le fondateur de Farmer Connect en faisait partie) a payé un premium et a décidé de redistribuer 50% de ce premium aux fermiers et les autres 50% à des projets de développement durable sur place parce qu’ils savent qu’ils vont pouvoir en tant que négociant revendre ce café plus cher à leur client. Le client sait que ce café est tracé donc il va pouvoir le revendiquer d’un point de vue consommateur, qui sera rassuré et qui va potentiellement acheter plus volontiers ce café plutôt qu’un autre. La marque est contente, le trader est content parce qu’il a vendu plus cher, la coopérative a vendu plus cher et elle est contente parce que les fermiers sont mieux payés et parce qu’elle a financé des projets de développement durable.
Tout le monde s’y retrouve et c’est uniquement comme ça que ça marche parce que si on met des coups de marteau sur la tête de tout le monde en leur disant qu’ils ne font pas bien ou qu’il faut uniquement que cela bénéficie à un tel ou un tel on ne respecte pas la structure intrinsèque d’une chaîne d’approvisionnement: tout le monde dans la chaîne doit s’y retrouver. Peut-être qu’à terme certains acteurs vont sauter parce qu’ils auront trop pris au passage ou qu’ils n’auront pas joué le jeu ou qu’ils n’auront pas été assez transparent mais je dirais que c’est un peu le sens de l’histoire, cela va assainir la chaîne de valeur.
Si on remonte dans la chaîne de valeur, les distributeurs ont une grosse responsabilité sur le revenu qui est rétribué aux agriculteurs. Comment dans les filière d’activité qui vous concernent arrivez-vous à influencer les choses?
Nous avons lancé il y a quelques semaines toute une série de références avec Amazon dans les cinq plus grands pays européens avec leur marque maison qui s’appelle « Happy Belly » donc les distributeurs s’impliquent eux aussi et y voient les mêmes avantages. Nous avons collaboré aux Pays Bas avec HEMA qui est le Ikea hollandais, dont 70% du portefeuille de café sera tracé.
 
Mais sont-ils prêts à réduire leur marge? 
De fait ils le font parce qu’ils n’ont pas encore vu le retour sur investissement. Ils investissent avec nous, ils investissent dans leurs fournisseurs, ils grattent leur marge pour arriver à le faire. 
 
Cela me parait en effet un message ou un signal important sachant que la marge des distributeurs dans l’agroalimentaire est généralement très confortable. 
Tout à fait! Après tous ne le font pas de manière pieuse, ils pensent aussi qu’ils vont en retirer un avantage. 
L’essentiel est qu’il le fasse et que le système change!
Oui et ils ne le font pas uniquement comme un coup marketing. Bien sûr ce travers existent et certains pourraient le faire sur une référence assortie d’une campagne de communication et on connaît bien cela dans le marketing. Ils peuvent tenter de le faire avec nous mais cela tiendra jusqu’à un certain point parce que si leur démarche ne va pas jusqu’au bout du bout elle perd toute cohérence et donc cela ne s’inscrit plus dans le discours marketing. Si on est présent sur « Thank My Farmer » que l’on est tracé par la blockhain donnant accès à tous les éléments de la chaîne de valeur il faut jouer le jeu sinon cela se voit un peu comme un éléphant dans un couloir, c’est un jeu dangereux.
 
Donc vos partenaires s’engagent de manière très consciente dans cette démarche de transparence.
Oui tout à fait mais j’aimerais revenir sur cette notion de transparence qui est à prendre avec des pincettes selon moi. Si l’on veut être transparent pour être transparent et vraiment tout partager je ne pense pas que cela soit toujours très vertueux.
Si on prend l’exemple d’un cappuccino dans les rues de Genève dans une chaîne bien connue, il coûte entre 4 et 5 francs et la réalité c’est qu’il n’y a que 1 à 5 centimes qui revient au fermier. Donc si demain je viens vous voir et je vous dis que c’était 1 centime et qu’on passe à 2 centimes la réalité c’est qu’on a doublé le revenu du fermier mais si je vous dis que c’est 2 centimes vous allez toujours trouver cela très choquant. Donc c’est compliqué d’être 100% transparent si ce n’est pas accompagné par l’éducation. Je pense qu’on ne peut pas critiquer tous les gens de la communauté marketing en leur disant qu’ils ne font que du greenwashing, il y a parfois la nécessité de faire les choses par étapes, de les expliquer, d’éduquer pour que la perception ne l’emporte pas complètement sur les bonnes pratiques parce que cela serait contre-productif. Il y a des entreprises qui y vont par étape et c’est bien normal. 
Le fait que la volonté soit là, qu’une feuille de route existe pour opérer cette transformation c’est ça l’essentiel. Et il faut reconnaître que le fait d’opérer une telle transition pour une entreprise qui existe depuis longtemps peut s’avérer extrêmement compliqué, mais pas moins nécessaire bien sûr. 
Je cois aussi que c’est tellement important et qu’on peut faire une pause sur 1, 2 ou 3 points de profit pour investir parce qu’il en va de l’avenir de beaucoup d’entre nous. 
Nous savons que l’agriculture représente la plus grande verticale au monde en termes d’industrie, elle touche un milliard de personnes au quotidien dont les employés, les agriculteurs, les producteurs. C’est l’industrie qui a le plus d’impact en bien comme en mal donc si nous parvenons à la transformer nous changeons notre vie, celle de nos enfants et celle des enfants de nos enfants, c’est super important.
Parlez-moi un peu de la filière chocolat.
Le chocolat c’est une industrie qui est très concentrée, il y a trois grands acteurs au niveau industriel qui transforment les fèves de cacao.  Il faut pouvoir entrer au moins dans une de ces entreprise pour pouvoir faire une différence mais la récompense c’est que ça peut être très transformatif. Et puis le cacao évolue aussi comme le café vers plus de « single origi », vers de la spécialité, on commence à faire du « clean label » en enlevant plein de choses qui ne sont pas très bonnes dans les recettes de chocolat. C’est assez comparable avec l’évolution qu’il y a eu sur le café depuis une vingtaine d’années avec les cafés de spécialité, les petits bistrots et aussi ce qui a été créé par Starbucks et toutes ces chaînes de café.  
 
Une dernière question plus large, quelles seraient selon vous les trois choses indispensables qu’il faudrait pour changer le monde, pour changer de paradigme? 
La première chose c’est d’essayer de bouger de cette idée de compétition vers une idée de coopétition où l’on est toujours dans un système capitaliste mais où l’on considère que l’adjonction de différentes forces permet de créer quelque chose de plus grand. Nous essayons de le prouver au quotidien en réunissant des gens qui n’ont rien à faire ensemble sur la même plateforme et dans le même projet: nous avons des marques, des négociants, des coopératives qui sont tous concurrents sur la plateforme et qui ne se parlent jamais parce qu’ils n’en ont pas le droit ou qu’ils on peur de se parler et qui utilisent les mêmes services.

Déjà avec plus de collaboration on peut changer beaucoup de choses.

Il y a autre chose qui est assez liée à la technologie c’est le respect. Le respect c’est un mot important et notamment le respect de l’origine et le respect de la donnée. Il y a certains grands géants de la tech qui évoluent dans la bonne direction mais je pense qu’ils ont pris des raccourcis énormes et qu’ils ont fait des choses qui n’auraient pas dû être faites, tellement concentrées, tellement intrusives, tellement compliquées qu’on perd les gens en route et on ne respecte par l’utilisateur. C’est aussi une construction de business, la gratuité emmène des business models qu’on essaie de cacher pour garder la gratuité. Comme on dit quand c’est gratuit c’est toi le produit!

Donc il est très important d’avoir du respect pour les gens derrière la technologie et que la technologie soit au service des gens.

La troisième chose pour moi c’est le partage. C’est ce que nous essayons d’accomplir, le partage de la valeur. Si on regarde le café, c’est un marché de 200 milliard, notre ambition est certes de créer de l’efficience pour nos clients mais nous voulons surtout créer de la valeur parce qu’on sait que si on crée uniquement de l’efficience ça ne bénéficiera qu’à nos clients. Alors que si l’on crée de la valeur on a une chance de la distribuer, si on passe de 200 à 220 milliards on a une chance qu’il y en ait une bonne partie qui retourne au pays d’origine. Il faut aller vers le haut, créer de la valeur et repartager la valeur. Et ne jamais oublier d’où ça vient parce que sans eux il n’y a rien.

Au-delà de tous les aspects législatifs, technologiques, financiers, il y a l’aspect humain.

Quand tu sais qu’un fermier en Afrique de l’Ouest n’a jamais goûté un carré de chocolat de toute sa vie alors qu’il l’a passée à cultiver des fèves de cacao, qu’il ne sait même pas où elles vont, rien que de faire ce lien en arrivant à le rendre à double sens et pas seulement à sens unique cela a beaucoup de valeur. 
 
Est-ce que vous recevez des témoignages de fermiers ?
Il y a eu un reportage sur le café dans l’émission TTC sur la RTS, à laquelle nous avons participé, dans laquelle ils ont appris à tous les Suisses que leur pays exporte plus de café que de chocolat et de fromage. A cette occasion j’ai fait un duplex avec Usha qui est une de nos partenaires au Brésil et elle a exprimé avec ses mots la valeur qu’elle y voyait et notamment ce lien et l’excitation qu’elle ressentait à l’idée de savoir que les gens allaient comprendre ce qu’il y a derrière le café qu’ils boivent, ce qu’elle fait, comprendre que c’est l’exploitation familiale qu’elle a reprise, qu’ils sont 20 etc. 
 
Merci beaucoup Michael!
Avec plaisir merci à vous.

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