Rejoindre la mèche
L’engagement est au coeur de leur activité. Ces femmes et ces hommes s’inspirent du monde pour agir autrement et durablement, et faire de leur environnement une voie d’expression, de créativité, d’innovation ou encore de solidarité. Finance, culture, artisanat, industrie ou médias sont autant de domaines incarnés par ces personnalités, qui ont accepté de se prêter au jeu du questionnaire de Proust en mode La Mèche. Quels sont leurs secrets durables? Pour vous, ils vendent la mèche.

Réalisation: Cornland Studio

Gregory Chollet est un entrepreneur qui met la durabilité au cœur de ses préoccupations. Spécialiste du marketing et animé par les projets porteurs de sens, il est impliqué dans de nombreuses organisations visant à avoir un impact positif sur notre environnement, qu’il soit social, économique ou environnemental. Gregory a toujours oscillé entre la technique et l’artistique. Curieux, il a écumé les bancs d’école : d’abord un Master universitaire en sciences économiques, puis un Master en informatique à l’EPFL, complété quelques années plus tard par un MBA. Son parcours professionnel est rythmé par diverses expériences d’entrepreneurs. Il co-fonde Loyco en 2013, une des premières sociétés certifiées BCorp en Suisse qui compte près de 110 collaborateurs et fonctionne sans hiérarchie. Gregory coordonne notamment l’agence de communication Zooo née du développement de Loyco. En 2018, Gregory co-réalise le documentaire long métrage « Demain Genève ». Un succès inattendu qui permettra au film de rentrer dans le box-office romand et resta plus de 25 semaines en salle. Gregory est également coordinateur du comité de la Chambre d’Economie Sociale de Genève.

Transcription

Qui êtes-vous et que faites vous dans la vie?
Je m’appelle Grégory Chollet et la question de qui je suis est souvent une question à laquelle j’ai de la peine à répondre. Aujourd’hui je me décrirais avant tout comme un entrepreneur qui cherche à avoir de l’impact.
 
Votre état d’esprit actuel?
Je suis fondamentalement optimiste c’est peut-être un état d’esprit qui est nécessaire lorsqu’on souhaite avoir un parcours entrepreneurial. Même si la situation n’est pas forcément la meilleure que l’on ait connue, voire probablement une des pires de notre histoire, je reste optimiste notamment par rapport à l’impact que cela a pu avoir sur les mentalités.
 
Quel est votre principal trait de caractère?
Je pense que c’est l’enthousiasme et j’espère que j’arrive à le communiquer un petit peu en tout cas.
Etre écolo aujourd’hui pour vous ça veut dire quoi?
Déjà c’est un terme que je ne suis pas sûr d’aimer particulièrement, peut-être parce qu’il est un peu coloré politiquement. Je pense que quelqu’un qui est écolo c’est quelqu’un qui fait attention à l’impact de ses actions et de ses pratiques.
 
Quelle est la personnalité ou la personne qui vous inspire et pourquoi?
Je suis inspiré par beaucoup de monde et je pense que c’est important. J’ai des inspirations sportives, entrepreneuriales, artistiques. Avant tout ces gens m’inspirent parce qu’ils montrent un champ des possibles. Quel que soit le domaine finalement l’inspiration c’est montrer qu’on peut. C’est ce qu’on a essayé de faire d’ailleurs dans le cadre du projet Demain Genève, c’est montrer qu’on peut essaimer et nourrir le champ des possibles.
 
Comment est venu votre désir d’engagement, quel a été le déclic s’il y en a eu un? 
C’est une bonne question, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu fondamentalement un déclic. Je crois que c’est arrivé naturellement. Plus jeune déjà, il faudrait peut-être demander à ma maman, j’ai eu envie de faire les choses, de me bouger, de relever mes manches et de mettre les mains dans le cambouis parce que c’est comme ça qu’on fait bouger les choses. Ma stratégie c’est de faire les choses, de faire avancer et puis d’apprendre. C’est comme ça que j’ai toujours voulu avancer, en faisant les choses on apprend et c’est comme ça qu’on peut avoir un impact.
 
Comment est-ce que cet engagement se manifeste au quotidien chez vous?
Il se manifeste par les nombreuses implications que j’ai dans différents projets. Ce sont tous des projets qui me font plaisir. D’ailleurs on me dit toujours que j’ai un agenda qui ne ressemble à rien mais c’est parce que je l’ai voulu. Finalement je crois que le jour où mon agenda sera différent c’est que je me serai désintéressé des projets et je pense que cela ne sera pas une bonne nouvelle.
 
Comment dans votre métier intégrez-vous la notion de durabilité?
Je pense que la notion de durabilité doit être intégrée à l’ensemble de nos actions. J’ai eu l’occasion récemment d’intervenir sur cette notion dans l’éducation; aujourd’hui on parle de développement durable comme étant une branche; j’estime que le développement durable doit être intégré à l’ensemble des branches.
Il en va de même pour mes actions, je pense que dans tout ce qu’on fait il doit y avoir cette réflexion de l’impact de ses actions parce que cette notion d’impact est fondamentale.
 
Quels sont les plus grands enjeux auxquels vous êtes confronté?
Le plus grand enjeu comme pour beaucoup c’est le changement des perceptions, amener les gens à changer leur idée, leur vision.
J’aime bien le dire, on parle de transition et qui dit transition dit changement, qui dit changement dit accompagnement au changement et ça il ne faut pas le négliger. C’est à dire que si on veut une transition il faut accompagner le changement et il faut accepter que les mentalités doivent changer, que cela prend du temps et que cela demande des efforts. C’est en cela que l’on a un rôle à jouer, en se disant que nous avons l’enthousiasme et l’énergie pour le faire donc aidons les gens à changer leur vision des choses.
 
Vous l’avez dit en partie mais quelles sont les solutions concrètes que vous avez mises en place pour faire changer les choses?
Avant tout c’est à travers mes implications. j’ai la chance de faire partie du comité de la chambre d’économie sociale et solidaire qui s’appelle Après. Le but est d’avoir un impact au sein d’une bulle économique locale qui est la nôtre. Ensuite mon implication principale c’est celle à travers Loyco, qui est une des activités qui m’anime le plus: c’est notre implication sur les modèles de gouvernance parce qu’aujourd’hui la gouvernance c’est de la « soft innovation » qui est extrêmement importante. Nous pouvons fondamentalement changer les choses en mettant en place des modèles de gouvernance plus impliquants. Et puis ce sont aussi d’autres projets bénévoles parce que j’estime qu’on a la chance de vivre dans une société relativement riche et que nous avons tout intérêt à donner cette richesse. Je pense qu’aujourd’hui la plus belle chose qu’on puisse donner c’est du temps. 
 
Est-ce que c’est comme ça qu’on revient à l’humain au fond?
J’espère qu’on ne l’a jamais quitté déjà avant de devoir y revenir. Derrière toute chose il y a l’Homme. Mon activité principale est une société de services et les services ce sont des gens.
Je pense que valoriser les gens dans toutes leurs actions c’est extrêmement important. Prendre du recul, essayer de comprendre, je pense que ce sont des mécanismes qui sont extrêmement importants si on veut pouvoir changer, avoir un impact. C’est pour cela que le modèle de gouvernance pour moi c’est quelque chose qui est extrêmement important: laisser la place, laisser la possibilité aux gens de pouvoir s’exprimer c’est un levier très important d’innovation. 
Qu’est-ce que la pandémie a changé à votre rapport au monde? 
Objectivement la pandémie n’a pas changé grand chose dans mon rapport au monde parce que je faisais déjà partie des personnes sensibles. Par contre je suis content de voir que, de nouveau d’un point de vue optimiste, cette pandémie a forcé les gens à se tourner vers des solutions qui sont plus locales. Cette prise de conscience, malheureusement réactive, a eu lieu. Je ne veux pas dire qu’elle était nécessaire mais en tout cas il y a un aspect positif à cette pandémie. Elle a changé peu de choses pour moi si ce n’est de renforcer mes idées sur l’importance de se concentrer sur notre économie locale. 
 
Racontez-moi votre plus beau souvenir de nature. 
Mon plus beau souvenir de nature sera probablement le prochain mais je cours en montagne et j’ai la chance de pouvoir le faire presque tous les week-ends. Mon meilleur souvenir c’était le dernier, il y a une semaine, j’ai eu la chance de courir dans nos beaus pâturages fribourgeois, puisque je suis d’origine fribourgeoise. J’étais seul sur un chemin au sommet d’une petite montagne pour me connecter avec la nature. Je pense que la nature, surtout en Suisse, fait complètement partie de notre environnement et on dit qu’il faut créer du lien et bien il faut aussi savoir créer du lien avec la nature. 
 
Si vous étiez un arbre lequel seriez-vous?
Je ne suis pas très bon en botanique ça c’est sûr mais je serais probablement un arbre local, probablement un arbre à pin, un arbre à épines parce que j’aurais au moins la chance de pouvoir vivre chacune des saisons avec ma parure, ce qui n’est pas le cas de la plupart des autres arbres. 
 
Quelle capacité ou aptitude de la nature aimeriez-vous avoir?
La résilience, je pense qu’elle est extrêmement importante. Dans tous les cas je souhaite que la nature garde sa résilience et malheureusement force est de constater qu’elle en a vraiment besoin en ce moment. 
Si vous étiez une source d’énergie laquelle seriez-vous?
J’aime bien l’eau, déjà parce qu’une partie de notre production d’énergie en Suisse dépend de nos barrages et aussi parce que l’eau a cette chance d’avoir un cycle qui est extrêmement varié, de voyager beaucoup tout en restant locale à la fois. Il y a quelque chose dans l’eau qui me fascine donc je pense que j’aimerais être l’eau. 
 
Votre saison préférée?
Ma saison préférée c’est le printemps clairement parce que la nature reprend ses droits de manière un peu plus forte, le soleil commence à caresser nos peaux, on peut enfin ressortir et profiter de la nature. C’est ma saison.
 
Préserver la planète c’est quoi pour vous?
On va revenir à cette notion d’impact, c’est réfléchir à ce qu’on fait, à l’impact de nos actions.
Je pense qu’il faut accepter que nous avons de la peine à être complètement consistants malheureusement, on est faits d’inconsistances, de certaines oppositions qu’il faut accepter mais ce n’est pas pour autant qu’on ne peut pas les améliorer. En réfléchissant à l’impact de ses actions, si chaque jour on essaie de s’améliorer un tout petit peu à la fin de l’année on aura déjà fait des grands pas.
Votre paysages préféré? 
J’aime bien être au sommet du Pralet, qui est une petite montagne dans le canton de Fribourg, parce qu’on a à la fois la vue sur la ville de Lausanne, sur les montagnes et sur le lac. Je pense que c’est un point de vue qui permet de voir beaucoup de choses, aussi bien la nature que la ville, un ensemble de choses qui me parlent parce que je reste fondamentalement urbain même si j’aime la nature. 
 
Quelle pollution vous insupporte?
La pollution visuelle. Dans certains pays, notamment un pays voisin, on peut voir une espèce de pollution visuelle qui est beaucoup portée par la publicité même si ce que je vous dis est très contradictoire parce que je suis un fan de publicité. Mais la publicité imprimée telle qu’elle nous est imposée dans certains endroits a tendance à me gêner. 
 
Quelles solutions pour la planète attendez-vous avec impatience?
Quelque chose qui n’existe pas encore? En tout cas la décarbonation reste pour moi un point important parce qu’elle a un impact évidemment sur l’ensemble du cycle, sur la biodiversité. J’observe que la majorité des gens ne se rendent pas compte quel est l’impact de l’augmentation de la température. Et puis j’aimerais peut-être qu’on trouve des moyens de continuer à voyager tout en ayant moins d’impact parce que je pense que le voyage reste quelque chose qui est extrêmement enrichissant. Aujourd’hui c’est vrai qu’il y a une forme de pression sociale au voyage parce qu’on sait que ça a un impact négatif. Dans quelle mesure est ce qu’on arrivera à faire des voyages qui ont un impact, peut-être pas positif mais en tout cas moins négatif, pour continuer à alimenter cette économie du tourisme qui reste importante pour beaucoup de pays et puis qui permet surtout de s’ouvrir à des cultures, des natures différentes. Pour moi c’est extrêmement important. On parlait d’inspiration, le voyage c’est une forme d’inspiration. 
 
Quel est le geste anti-durable que vous peinez à abandonner?
Je pense que ça reste la consommation de viande. J’ai diminué la consommation de viande de manière non négligeable, je continue à en manger dans de faibles quantités mais je sais que l’impact n’est pas positif.
 
Quel est le péché écolo qui vous inspire le plus d’indulgence?
On parlait avant du voyage et je reste relativement indulgent quand il s’agit du voyage, du voyage utile, et la notion de fréquence est extrêmement importante parce qu’une haute fréquence dans tout je pense que c’est assez malsain. Les gens qui souhaitent voyager pour s’enrichir, pour s’inspirer je pense que c’est quelque chose pour lequel je reste relativement indulgent.
 
Qu’est-ce qu’on ne trouve plus dans votre cuisine?
On ne trouve plus beaucoup de produits que je n’ai pas achetés ailleurs que dans un territoire qui m’est proche, même un territoire suisse.
 
Quel geste pour l’environnement vous fait du bien?
Il y en a plusieurs. Chaque fois que je vis la gouvernance que nous avons mise en place, même si c’est peut-être moins pour l’environnement cela reste du développement durable, je ressens un certain plaisir. Si on parle de la dimension plus environnementale, ça peut paraître un peu particulier mais j’aime assez bien trier, il y a peut-être un petit côté psychorigide mais j’aime bien trier, j’ai l’impression de faire un peu ma part. 
 
Quel préjugé sur les écolos avez-vous abandonné?
De nouveau je ne suis pas fan du terme écolo. En tout cas dans les mentalités au début les écolos étaient vus comme des marginaux et puis aujourd’hui ce sont des pionniers, des précurseurs ou les sauveurs de la planète. En tout cas j’ai abandonné l’idée de croire que l’écologie est uniquement liée à l’impact sur la planète mais que ça peut être aussi l’impact sur le social, sur l’économie.
 
Votre plus grande contradiction? 
Je pense que j’en ai malheureusement beaucoup mais il faut savoir les assumer. Dans mes choix de tous les jours c’est vrai qu’il y a encore quelques aliments comme la viande notamment qui est une forme de contradiction. Il y a certains produits, j’ai dit en effet qu’il restait peu de produits étrangers dans ma cuisine, que j’aime encore consommer, je pense à l’avocat par exemple. Ce sont des éléments de consommation. J’essaie d’être le plus juste possible au niveau de ma mobilité même si ce n’est pas toujours évident. Je vous invite à essayer de partir en vacances en famille en train, expérience faite ce n’est pas évident!
 
Votre devise durable?
On peut toujours faire mieux, j’aime bien cette notion de chaque jour être un peu meilleur que le précédent. Ce que je ne suis objectivement pas parce de nouveau on est plein de contradictions mais en tout cas je pense faire partie des gens qui font attention à ça et qui essaient de s’impliquer dans des projets pour faire bouger les choses.
Votre idée du bonheur?
Pour moi ce qui est lié au bonheur c’est le plaisir donc c’est d’avoir des activités qui nous permettent d’avoir du plaisir, première chose peut-être un peu plus autocentré. Il y a un deuxième aspect du bonheur qui est de nouveau lié au plaisir mais c’est celui d’en procurer, de donner du plaisir à d’autres personnes, que cela soit des proches, des amis, de la famille. C’est de se sentir aligné avec son entourage, avec ses implications, ses actions et je pense que c’est ça avant tout qui me rend heureux. 
 
Comment pouvons-nous agir à un niveau individuel pour faire la différence?
Je pense que ce n’est pas facile de travailler au niveau individuel. Je crois beaucoup à l’impact que l’on peut avoir à travers les entreprises parce que les entreprises ont quelque part un levier sur les mentalités qui peut être important de par le contact qu’elles ont avec leurs collaborateurs et c’est pour ça que, à l’image de ce que défend la certification B Corp, l’entreprise peut faire le bien et je pense qu’elle a un vrai rôle à jouer. Finalement une entreprise qui va suggérer à ses collaborateurs un certain nombre de choses, évidemment à impact positif, aura forcément un levier plus important. Une entreprise peut toucher un, dix, cents personnes ce qui est évidemment beaucoup plus efficace que de devoir aller convaincre cent personne directement.
Quel est votre utopie?
De penser que tout le monde a un bon fond. Je dis souvent que l’extrême de l’optimisme c’est l’utopie donc c’est peut-être ça.
 
De manière plus réaliste quelles sont les trois choses indispensables selon vous pour changer le monde?
Avoir la capacité de se remettre en question, je pense que c’est extrêmement important. Avoir la capacité de comprendre les autres. Si on se remet en question c’est comprendre les autres. Et puis avoir la capacité de mener des projets, de pousser des actions, de prendre un certain nombre d’actions. Je pense que si on met ces trois choses ensemble ça doit faire un bon cocktail positivement explosif.
A quoi devrait ressembler la communauté du nouveau monde pour vous? 
Je pense qu’elle devrait déjà répondre aux trois éléments que j’ai cités: être capable de se remettre en question, de se mettre à la place des autres et puis d’avoir envie de porter des projets et de faire bouger les choses. Je pense que finalement c’est ça la communauté du nouveau monde. 
Merci beaucoup Grégory!
Avec plaisir!
 

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