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A la racine-Cèdre-Arbre-Durabilité-Nature
A la racine-Cèdre-Arbre-Durabilité-Nature

Le cèdre
© CedricBregnard.ch 

Que seraient nos enfances sans lui, qui abritait nos parties de cache-cache, offrait ses branches à nos balançoires, ou à nos pieds lorsque l’on décidait de grimper, toujours plus haut ; sans lui qui peuplait les contes que nous racontaient les parents, le soir avant de dormir ? Il orne les parcs, les jardins botaniques, les promenades de grands domaines, les jardins familiaux. Il semble qu’on ne le connaisse que haut et large, tant il pousse vite, majestueux, protecteur, majeur malgré son éternelle verdeur. 

«Un cèdre toujours vert c’est un peuple toujours jeune en dépit d’un passé cruel»

revendique le drapeau libanais qui a choisi l’arbre pour emblème. Et le passé du cèdre est tout aussi mouvementé que celui des peuples du Proche-Orient. Il est déjà un des protagonistes du mythe de la mort d’Osiris. Lorsque le maléfique Seth enferme son frère dans son sarcophage, la royale dépouille mortelle descend le Nil, puis remonte le courant pour arriver jusqu’à Byblos. Là un buisson entoure et protège le cercueil, et, se mêlant au cadavre divin devient un imposant cèdre, colonne vertébrale du Dieu. Par la suite, les sarcophages des pharaons et des plus riches Egyptiens seront taillés dans l’essence, comme une promesse de vie éternelle. Le cèdre des pharaons deviendra ensuite le cèdre de Salomon, surnom que l’on doit à Chateaubriand en référence au roi qui fit construire le premier temple de Jérusalem. Son édification durera sept ans, Salomon envoyant près de trente mille bûcherons pour couper des centaines d’arbres dans les forêts du Liban. La réputation du cèdre est telle, son bois, si noble, si inaltérable, son parfum si agréable, que l’essence manque d’en mourir.

Car la première victime de la déforestation est le cèdre, malgré les menaces de l’empereur Hadrien qui, bien plus soucieux de l’environnement que Bolsonaro, fait voter une loi en l’an 125 pour mettre fin aux coupes abusives.

Hélas, même Hadrien n’y peut rien quand l’Église encourage à se loger dans des maisons aux poutres de cèdre, imputrescibles comme doivent l’être les âmes vis-à-vis de la corruption. Si les cèdres agrémentent nos parcs, il faudrait des siècles pour que les forêts redeviennent ce qu’elles furent avant les navires, les temples, les maisons. 

À la racine de ces arbres familiers à nos déambulations occidentales, le début 18ème siècle. Lorsqu’explorateurs, botanistes et fortunés voyageaient pour ramener les graines les plus rares et concurrencer les jardins d’autres privilégiés. Ainsi pousses de Cèdres, du Liban mais aussi de l’Atlas, au feuillage bleu, ou de l’Himalaya, s’élevant plus haut que ses cousins, furent plantées dès 1720 pour arriver jusqu’à notre 21ème siècle. Et nous permettre d’admirer ces grands arbres qui abritent nos confidences, nos prières, nos baisers ou nos pique-niques. Car les formes tabulaires que prennent les cimes avec l’âge confèrent aux cèdres un air de maison au toit de feuilles, sous lesquelles suspendre le temps et retrouver la mémoire de nos ancêtres. Les Celtes, par exemple. Lorsque les forêts étaient si denses qu’elles empêchaient de voir le ciel et les étoiles, les Celtes observaient les arbres plutôt que les constellations. Le cèdre représentait la longévité et la révélation. Il était l’arbre de la connaissance et de la justice suprême, et ceux nés sous son signe passaient pour visionnaires. Il se pourrait que vous reveniez d’une halte au pied d’un cèdre les idées plus claires, les intuitions plus acérées, ou au moins, les narines plus éveillées aux délices de la nature. 


Chaque mois, nous vous présentons une essence. Ses légendes, ses propriétés, et les rapports qu’elle a entretenus avec les civilisations au fil du temps. Le destin des humains est lié depuis toujours à l’environnement qui les a vu naître, qui leur a permis de survivre et de prospérer. À la racine est une histoire à lire contre un arbre, et à ne plus oublier. Et comme elle se raconte aux enfants et que les enfants aiment les images, l’écrivaine Mélanie Chappuis s’entoure du photographe Cedric Bregnard pour illustrer ses lignes, lui qui pose depuis de nombreuses années son regard émerveillé sur la nature, ses cycles et ses métamorphoses.

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